2016-2017 – La phobie et les paniques aujourd’hui

par Claude Léger

La phobie compte un nombre indéfini d’ « objets », déjà répertoriés avant Freud (Westphal, Legrand du Saulle) et qui, à l’instar du catalogue des perversions (Krafft-Ebing), a crû au rythme où le discours courant a produit des dispositifs signifiants désignant l’altérité comme source de danger. Le terme « phobie » s’est ainsi trouvé dévoyé, comme par exemple, avec l’homophobie, devenue l’expression d’une peur, souvent persécutive, projetée sous forme de rejet.

En 1909, Freud fit entrer dans la psychanalyse, avec le cas de la phobie du « petit Hans », ce qu’il nomma « hystérie d’angoisse », pour la distinguer de l’hystérie de conversion tout en la rattachant au cadre de la névrose. Transitoire chez la plupart des enfants, elle apparaît comme ce qui demande à être métaphorisé, qui est une invention, comme chez le petit Hans, pour donner corps à l’embarras qu’il a de ce Wiwimacher, « pour lequel, il s’invente, propose Lacan, toute une série d’équivalents piaffants (1) », masquant l’angoisse de castration.

En 1930, Helene Deutsch développe, à partir de plusieurs cas de phobie chez des adultes, l’hypothèse d’une projection du « danger intérieur » vers l’extérieur et « rattaché à une situation ou un objet précis ». Elle met en lumière la fonction de l’agressivité incluse dans le mécanisme phobique, dont l’évitement est la traduction spatiale.

On verra que Lacan va considérer la phobie comme un moment de la métaphore paternelle, une solution imaginaire, qui consiste à inventer « la peur d’un tigre de papier », comme signifiant à tout faire, aux avant-postes contre l’angoisse. La phobie sert de balise en créant un espace interdit − et il s’agit le plus souvent d’espace dans les symptômes phobiques − pour suppléer un temps à la nomination par le Nom-du-Père.

Confronté au « pas de pénis » de la mère, chaque sujet va avoir à symboliser ce manque, par le biais de la fonction phallique : soit sur un mode névrotique, en se remparant d’un signifiant phobique, soit en le déniant sous le forme d’un « objet » fétiche. C’est pourquoi Lacan en est venu à considérer la phobie comme une « plaque tournante » entre névrose et perversion. Ceci conduit à envisager le signifiant phobique comme une suppléance, un quatrième rond dans le nœud borroméen, qui ajoute à la métaphore du symptôme l’effet de nomination d’un signifiant particulier. Mais, Lacan constatait en 73 que la phobie était un nœud triple, de type olympique, où deux ronds tiennent toujours ensemble (2), même après libération du troisième. De ce point-de-vue, il considère le névrosé comme insubmersible.

Le collectif n’étant rien, comme on sait, que le sujet de l’individuel, les peurs sociales amplifient les modes d’évitement qui sont la marque de toute phobie. En ce sens, la réalité virtuelle, qui constitue « le monde liquide (3) » du discours capitaliste, met les individus en danger, celui de la proximité angoissante de l’autre, de l’étranger, du différent. D’où l’usage abusif de « phobie », attaché au refus de toute forme d’altérité, y compris celles qui parasitent le corps. Simultanément, « l’attaque de panique » est devenue un syntagme d’usage courant, entré dans le DSM-III en 1980, après en avoir expulsé l’angoisse, faisant perdre au clinicien un repère primordial. Les grandes peurs collectives de l’époque moderne ont donné lieu, non seulement à l’exclusion, la ségrégation, mais surtout à la mise en place de défenses sécuritaires, tout en sachant qu’il est illusoire de penser supprimer les différences d’un simple clic dans l’univers des réseaux, aussi vertigineux que les espaces infinis de Pascal.

Ainsi, avec cette thématique, « La phobie et les paniques aujourd’hui » les enseignants des CCP invitent les participants à une année de travail qui doit leur permettre de mieux situer en quoi le savoir de la psychanalyse, et l’éthique qui s’en déduit, est d’un recours décisif pour la clinique de notre temps.

  1. Lacan J., Séminaire « RSI », séance du 17 décembre 1974.
  2. Lacan J., Séminaire « Les non-dupes errent », séance du 11 décembre 1973.
  3. Bauman Z., Le Présent liquide (peurs sociales et obsession sécuritaire), Paris, Seuil, 2007
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