N°16 – La phobie et les paniques aujourd’hui

Editorial par Jean-Jacques Gorog

Cette année consacrée à La phobie et les paniques aujourd’hui aura été assombrie par la perte de Claude Léger, président du collège de clinique psychanalytique de Paris. Sa présence depuis la fondation de nos collèges cliniques a toujours été un soutien sans faille à nos enseignements. C’est ainsi que sa participation à la Journée Nationale à Marseille ainsi qu’à la fabrication de ce volume a été décisive. Nous nous souviendrons de l’étendue et surtout de la finesse de sa culture comme de son humour dont Lacan a souligné que les sociétés analytiques manquaient… en 1956.

Le volume qui fait trace d’une année d’enseignement doit dire ce qu’une année nous a appris. Cette année fut fort riche. Les points qui seront développés et qui ne posent pas problème, je veux dire qui « supportent » un accord de tous les intervenants, tournent autour de la phobie comme parade à l’angoisse, jusqu’à Jacques Tréhot qui considère que phobie et paniques sont les cache sexes de l’angoisse.

Faut-il considérer comme acquis que la phobie soit infantile et transitoire « par définition » comme le dit Sol Aparicio ? Son intervention mettra pourtant en débat ce consensus, semble-t-il partagé, puisque la phobie et plus précisément l’agoraphobie peuvent persister chez l’adulte.

Ensuite les singularités cliniques évoquent la grande variété des modalités sous lesquelles se fait jour cette curieuse parade à l’angoisse.

Muriel Mosconi nous rappelle qu’elle commence avec la trace du cheval peint sur la paroi de la grotte Chauvet qui sert d’illustration à ce volume. Il donne toute sa valeur à la dimension proprement mythique du cheval auquel nous nous référons depuis Freud, s’agissant de phobie, le cheval du petit Hans, figure de terreur mais aussi d’idéal : n’est-ce pas le meilleur ami de l’homme ? Parfois redoutable aussi, sous ses deux formes, à la fois totem et tabou. Le cheval, on le retrouve avec l’autre mythe fondateur de la psychanalyse, celui d’Œdipe, marqué au fer rouge du cheval de Hans. Et puis il y a, oh combien fréquente, la peur de la nuit, encore faut-il en détailler les occurrences : ce que fait brillamment Marie-José Latour.

La clinique offre bien des exemples et pose notamment la question de la phobie dans la psychose et, surprise, la phobie se révèle dans ce cas aussi une parade face à l’angoisse, face au vide. Martine Menès le montre bien et poursuit avec le problème du statut du symptôme phobique comme un moment de la névrose infantile. La clinique c’est aussi le détail du cas où se vérifie le signifiant à tout faire de la phobie (Claudine Beaussier).

Isabelle Puig fait une lecture détaillée de la phobie et de la castration chez Freud et chez Lacan. Bernard Trotereau développe le rapport entre symptôme (phobique) et fantasme.

La question est insistante de la relation de la phobie et du signifiant père dont en somme un signifiant à tout faire pourrait permettre de faire l’économie. Par exemple Albert Nguyên pour qui la phobie prendrait à rebours la fin de l’analyse, carrefour pour l’analyste et pas seulement pour l’analysant et, de là, montre comment l’analyste peut affronter la phobie et cette douleur d’exister que celle-ci ne parvient pas toujours à masquer.

Marc Strauss envisage la phobie aussi bien à l’entrée dans le champ du désir qu’à la fin de l’analyse. Et Anne-Sophie Maillard, à propos d’un cas de psychose infantile particulièrement débridé et violent, évoque cette fois panique et angoisse du côté de l’analyste.

Jean-Claude Coste pour sa part met en question la frontière que la phobie n’établirait pas de façon nette entre psychose et névrose. C’est dans ce registre aussi que j’ai apporté ma pierre à propos de la curieuse mise en perspective de la phobie avec la perversion dès l’annonce par Lacan de son séminaire consacré à Hans.

Et la clinique c’est aussi pouvoir relire attentivement les cas de la littérature, et en premier lieu le petit Hans, le cas de Freud, qui sert de guide à tous les psychanalystes, et bien entendu à Lacan. Et Freud d’abord sur lequel revient Bernard Lapinalie. Mais il y a d’autres cas de la littérature, ce que montre avec brio Bernard Nominé non sans avoir auparavant éclairci quelque peu ce que la panique doit à la perte de l’autorité.

Roger Mérian met aussi l’accent sur la panique et revient sur les insuffisances des traitements habituellement proposés aux victimes de panique. Ce thème est également abordé par Stéphanie Gilet-Le Bon qui rappelle comment la théorie freudienne s’oppose à la victimologie parce qu’elle donne sa place à la réponse obligée du sujet face à tout traumatisme. Dominique Fingermann montre comment, dans le modèle psychiatrique du DSM, phobie et paniquepersistent mais effacent l’angoisse. Pourtant ces trois termes forment une ronde dont les éléments sont indissociables. Et l’on peut, avec Nadine Cordova-Naïtali, y ajouter la peur, avec la tentative de repérer un temps logique, entre panique, peur, angoisse et phobie.

Frédéric Pellion rectifie ce qu’il faut entendre par ambivalence entre suspens et division et Jean-Pierre Leblanc fait du trou dans la « compréhension » un motif de la panique, et de la solution phobique une forme de nomination.

Enfin je voudrais souligner le « Florilège de références ». Il constitue un corpus très précieux pour tous ceux qui souhaitent en savoir un peu plus…

Sommaire

I Présentation des Collèges de clinique psychanalytique du Champ lacanien par Jacques Adam

  • Éditorial par Jean-Jacques Gorog
  • Pas d’panique ! claude Léger

II Travaux des Collèges de clinique psychanalytique de France et des espaces cliniques associés

En ouverture
  • Les chevaux intemporels, mythes, phobie, paniques, Muriel Mosconi
Cliniques chez les enfants
  • Pourquoi les enfants ont raison d’avoir peur de l’obscurité, Marie-José Latour
  • « C’est ça l’enfance », Martine Menès
  • Angoisse de castration, pourquoi pas désir de castration ?, Claudine Beaussier
Déclenchement et devenir de la phobie
  • La phobie et le vivant, Jean-Claude Coste
  • La phobie interroge le père dans sa fonction, Lina Puig
  • Le travail de l’inconscient et les transformations du petit Hans, Bernard Lapinalie
Phobie et structure
  • Mademoiselle A., Sol Aparicio
  • La phobie est-elle une structure ?, Jean-Jacques Gorog
  • Les psychanalystes au tournant de la plaque tournante, Albert Nguyên
  • Pourquoi la phobie ?, Marc Strauss
Panique, trauma, phobie
  • Mise à jour de la question de la panique et de la phobie, Bernard Nominé
  • Le Traumatisme en psychanalyse, de Freud à Lacan, Stéphanie Gilet-Le Bon
  • « Paniques, peurs, trauma », Roger Mérian
Phobie angoisse
  • Affect de toujours : formes d’hier et d’aujourd’hui, Dominique Fingermann
  • La phobie, soutien du rapport au désir dans l’angoisse, Bernard Trotereau
  • L’angoisse de satisfaction, Jacques Tréhot
Phobie peur
  • De quoi avons-nous peur ?, Nadine Cordova-Naïtali
  • La phobie, le totem et la boue…, Jean-Pierre Leblanc
  • Panique à bord !, Anne-Sophie Maillard
Suspens et division
  • Suspens et division, Frédéric Pellion

III Florilège de références sur la phobie dans les séminaires de Jacques Lacan La Relation d’objet, Le Transfert et D’un Autre à l’autre

  • Ghislaine Delahaye, Geneviève Faleni, Jean-Jacques Gorog, Marie-Thérèse Gournel, Laure Hermand-Schebat, Alfred Rauber, Christian Schoch, François Terral, Jacques Tréhot, Jocelyne Vauthier
    Coordination : Muriel Mosconi

IV Sommaire des numéros antérieurs

V Renseignements pratiques sur les Collèges

de clinique psychanalytique du Champ Lacanien

VI Les auteurs de la revue